Manipulation de matchs : une menace sérieuse pour le sport canadien

12 février 2019

Jeremy Luke, Directeur principal, Intégrité du sport, CCES

Le Canada est reconnu comme un acteur de premier plan dans la lutte contre le dopage. Une réputation bien méritée compte tenu des efforts déployés dans la foulée du scandale Ben Johnson à la fin des années 80. À l’époque, le Canada avait reconnu la menace que posait le dopage pour l’intégrité du système sportif et la santé et sécurité des athlètes. Pendant les années 90, nous avons mené la charge en mettant sur pied des programmes antidopage sophistiqués et en contribuant au développement du système international. On peut affirmer sans présomption – malgré les problèmes que connaît actuellement la lutte mondiale pour un sport propre – que le système sportif canadien demeure un leader dans la lutte contre le dopage et est bien positionné pour protéger ses athlètes contre ce fléau.

En revanche, en ce qui concerne la manipulation de matchs, je dirais qu’au cours de la dernière décennie, le Canada a plutôt appliqué la politique de l’autruche.

Pour ceux qui ne seraient pas au courant, la manipulation de matchs est l’acte par lequel des personnes tentent d’influencer le résultat d’une compétition dans le but d’en retirer un gain financier. Ces personnes agissent habituellement sous la tutelle de syndicats du crime organisé. Ces criminels ciblent le sportif (ex. : joueur, entraîneur, officiel) et l’amènent à poser certains gestes ou à réaliser certaines tâches. Les techniques employées font en sorte qu’une fois pris dans l’engrenage, il est très difficile pour le sportif de s’en extirper. La personne ne réalise peut-être pas toutes les implications de ses actes.

Même si la population canadienne n’y est pas encore sensibilisée, la manipulation de matchs est un problème énorme qui touche de nombreux sports dans le monde, y compris au Canada. Le tennis est un bon exemple. Deux joueurs français interpellés dans le cadre d’une enquête sur des matchs arrangés et Scandale de matchs truqués en Espagne. On voit ce genre de nouvelles chaque semaine, dans toutes sortes de sports. Les experts pensent que ce n’est qu’une question de temps avant qu’elles ne fassent les manchettes au Canada.

Certains croient à tort qu’il n’y a pas assez d’intérêt pour les paris dans les épreuves sportives canadiennes et que nous serions donc moins exposés à ce type de manipulation. À preuve, une récente étude de la firme Sportradar Integrity Services indique que des paris ont cours à l’échelle mondiale dans au moins 12 sports au Canada. Cette étude met au jour l’importance pour le système sportif canadien de se doter de politiques et de programmes afin de réduire le risque de manipulation de matchs liée aux paris sportifs.

Au cours des dix dernières années, de nombreux pays et instances sportives internationales sont passés à l’action. En Europe, plus de 20 pays signataires de la Convention sur la manipulation de compétitions sportives se réunissent régulièrement sous l’égide du Conseil de l’Europe pour discuter de leurs plateformes nationales. Les fédérations internationales du soccer, du tennis, du rugby et le Comité international olympique ont investi d’importantes sommes dans des programmes de prévention de la manipulation de matchs axés sur les enquêtes et la sensibilisation.

Pendant ce temps, le Canada fait très peu. Contrairement à notre dispositif musclé de lutte contre le dopage, nous n’avons aucune plateforme nationale pour nous attaquer à la manipulation de matchs, plateforme qui coordonnerait l’élaboration d’une politique commune définissant et interdisant la manipulation de matchs, l’éducation des athlètes, entraîneurs et officiels, l’établissement de procédures d’enquête sur les allégations d’activités suspectes et la collaboration avec les forces de l’ordre et les organismes de régie des paris.

La manipulation de matchs est une menace sérieuse pour le système sportif canadien. Espérons que cela ne prendra pas un scandale international comme celui de Ben Johnson pour que le Canada commence à prendre le problème au sérieux. Rejoignez le CCES et McLaren Global Sport Solutions Inc. à Toronto au mois d’avril à l’occasion d’un symposium national où nous nous pencherons sur la manipulation de matchs et les paris sportifs et commencerons à concevoir ensemble des solutions praticables.

Visitez le site Web du symposium pour en savoir plus et vous inscrire.